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Les chefs d’oeuvres de la collection TORLONIA
Du 26 juin au 11 novembre 2024 au Musée du Louvre
Les princes Torlonia ont réunis du 18ème siècle et jusqu’au 20ème siècle une collection inégalée de sculptures antiques romaines. La Fondation Torlonia organise une tournée mondiale de l’exposition pour présenter une partie de cette collection. Le musée du Louvre inaugure cette tournée hors d’Italie. Cette exposition met en parallèle ses propres collections de sculptures antiques romaines avec celles de la collection Torlonia.
Le Louvre instaure d’emblée un contact direct entre le visiteur et les œuvres exposées. Cette proximité permet de saisir le détail des sculptures, leur thème et leur esthétique. Une information claire précise comment ces œuvres ont été découvertes, réunies, restaurées, comment elles ont traversé les siècles pour arriver jusqu’au XXIe siècle, illustrant ainsi la constitution des collections en Europe.
L’exposition met en lumière les genres emblématiques de la sculpture romaine, les influences de la sculpture hellénistique ainsi que la diversité de ses styles artistiques. Des sculptures-portraits, des copies d’originaux grecs, des scènes mythologiques, des scènes du quotidien, des sculptures funéraires … qui mettent en évidence un répertoire de formes, de styles et de thèmes inhérents à l’art romain.
A titre introductif, le visiteur est dès l’entrée confronté à la sculpture animalière du Caprone, une pièce exceptionnelle du 2ème siècle après JC, restaurée par Le Bernin au 17ème siècle. La sculpture du bouc, superbement expressive et dynamique, trône seule au centre de la première salle où elle semble accueillir les visiteurs.
Suivent sept sections – que nous détaillerons ci-après – qui se déploient successivement dans une enfilade de salles. Dans une approche pédagogique, on découvre les bustes-portraits, puis on explore la technique de la copie, les styles grecs archaïques et classiques, la créativité hellénistique, les originalités de la sculpture romaine, les influences grecques sur l’art romain, pour enfin accéder aux marbres antiques du Louvre.
Le buste portrait
La deuxième salle confronte le visiteur à un ensemble de bustes portraits de personnages importants, disposés en arc-de-cercle à hauteur d’homme. Ces bustes capturent la singularité des personnalités, reflet d’un critère hautement apprécié à leur époque.
La fanciulla di Vulci
Milieu du 1er s. av. JC
Certaine sculptures n’échappent pas à une démarche d’idéalisation.
Ces bustes portraits ont trois vocations, la mise en exergue de la gloire, le devoir de mémoire, les rites funéraires privés. Les collections d’antiques constituent souvent des galeries de personnages historiques. La collection Torlonia s’inscrit dans ce courant du collectionnisme.
Un art de la copie
L’art grec exerce une influence déterminante sur la sculpture romaine dès le 3ème s. av. JC. Les artistes grecs développent des techniques spécialisées dans la reproduction des sculptures à différentes échelles.
Statue de satyre
Copie romaine sculptée au 2ème s. ap. JC, d’après une œuvre originale grecque des années 330 av.JC
S’en suit une production importante à partir de répertoires d’œuvres et de styles d’artistes consacrés, dont certains motifs peuvent être utilisés pour être incorporés à de nouvelles œuvres.
Les styles du passé grec
Les sculpteurs grecs des 2ème et 1er s. av. J.C. ont assimilé les motifs, styles et modèles des maîtres anciens des époques archaïques ou classiques des 6ème au 3eme s. av. J.C.. Les historiens d’art grecs de l’antiquité ont répertorié et classifié ces styles. Le registre archaïque est tourné vers l’expression du sacré, tandis que le registre classique exprime solennité, ordre et dignité. Cette combinaison peut donner lieu à un certain éclectisme, mêlant archaïsme et classicisme.
Modernité hellénistique
Le monde romain apprécie la créativité grecque dès le 4eme s. av. JC. Les productions des ateliers d’Athènes, Alexandrie, Pergame et Rhodes sont accueillies avec enthousiasme. L’histoire grecque de l’art porte aux nues le sculpteur Lysippe (4eme s. av. JC.) qui privilégie la ressemblance – la mimesis – ainsi que l’impression de présence du sujet. Ce style imprègne les portraits et les statues du monde romain.
Statue de Sylène
Copie romaine sculptée au 1er s. ap. JC, d’après une œuvre originale grecque du 2ème s. av. JC
Parallèlement, les romains valorisent également les sculptures représentant des scènes dionysiaques ou homériques. Ainsi, sont exposées, côte à côte, œuvres classiques et créations.
Statue d’Isis restaurée en Cérès
Copie romaine sculptée au début du 3ème s. ap. JC, d’après une œuvre originale grecque d’époque hellénistique (323-31. av. JC)
« La diffusion du culte gréco-égyptien d’Isis dans le monde romain s’accompagne de la réception de son imagerie à l’époque hellénistique »(*)
Les originalités de la sculpture romaine
L’art romain conçoit le réalisme comme le respect d’un ensemble de règles. La perspective et la morphologie humaine, combiné à la figuration d’éléments, comme le vêtement, le geste et le recours à des figures mythologiques, visent à exprimer des concepts juridiques, moraux ou culturels.
Les divinités représentées ont vocation de modèles, tandis que les sarcophages romains utilisent des représentations pour évoquer le quotidien dans tous ses aspects.
Athènes à Rome : la villa d’Hérode Atticus sur la Via Appia
Hérode Atticus, sénateur romain et citoyen athénien (2ème s. ap. JC.) a aménagé une propriété dont les sculptures ont été redécouvertes à la Renaissance. Ces oeuvres ont intégré les collections de la noblesse romaine, Farnese, Borghèse, Albani, Torlonia, conférant ainsi à leurs propriétaires une image de mécènes cultivés appréciant l’esthétique classique.
Relief avec trois figures féminines
Vers 161 ap.JC
« Leurs couronnes garnies de tours les désignent comme des personnifications des cités, figurées à la manière grecque »(*)
Une histoire en commun : le Louvre et le Museo Torlonia, deux collections sœurs
Les collections de sculptures antiques, du Louvre, du Museo Torlonia, des Borghèse ou d’Albani, sont issues de la même origine romaine.
Groupe statuaire représentant Pan et Daphnis
Copie romaine sculptée vers les années 150 ap. JC, d’après une œuvre originale grecque du 2ème s. av. JC « historique de l’œuvre : Rome, restauration au 18éme s. pour la collection du cardinal Albani , puis intègre la collection Torlonia»(*)
Certaines œuvres ont ainsi appartenu successivement aux grandes familles de la Renaissance, propriétaires de collections qui constituaient le décor de leurs palais.
Statue de Dace captif
Entre 106 et 117 ap. JC , restaurations du début du 17ème s.
« historique de l’œuvre :
Rome, collection Savelli, puis collection Borghèse, acquise en 1807 pour le Musée du Louvre »(*)
Statue de paysan occupé à vider une dépouille d’animal, dite L’écorcheur rustique
Copie romaine sculptée à l’époque impériale d’après une œuvre originale grecque du 2ème s. av. JC
« historique de l’œuvre : Rome, collection Albani, acquise en 1815 pour le Musée du Louvre »(*)
Fragment de la frise historiée de l’Ara Pacis Augustae
1er quart du 1er s. ap. JC
« historique de l’œuvre : Découverte vers 1565 à Rome, collection Campana, puis intègre la collection Miollis, puis collection Aldobrandini, puis collection Médicis, puis acquisition en 1865 pour le Musée du Louvre »(*)
Sculptures blanches sur marbre rouge : on remarquera que les marbres blancs de la collection Torlonia sont présentés au Louvre dans les appartements d’Anne d’Autriche, dont les murs sont couverts de marbre rouge similaire au marbre incarnat utilisé par les romains dans l’Antiquité.
La statuaire antique du Louvre apparait dans la dernière salle de l’exposition. Malgré un décor de panneaux représentant des sites archéologiques romains, noir sur blanc, le marbre blanc de la majorité des œuvres, éclairés par la lumière crue issue d’une verrière, se fond avec les murs en pierre blanche.
Points forts de l’exposition
Tout d’abord la beauté stupéfiante des œuvres antiques vieilles de plus de 2000 ans, la dextérité des artistes, la variété des styles et des thèmes, incluant la rencontre de maitres sculpteurs antiques et modernes (Le Bernin) dans le cadre de restaurations.
Le thème du collectionnisme et de la constitution des collections d’antiques à partir de la Renaissance est parfaitement mis en évidence, œuvres à l’appui. A cet égard, l’histoire de la lignée des Torlonia est exemplaire.
En 1750, Marin Tourlonias, un marchand de tissu auvergnat quitte sa région natale pour commercer à Rome. Il italianise son nom en Marino Torlonia. Son fils Giovanni fonde la dynastie Torlonia. Il fait prospérer le commerce de son père et crée une banque qui deviendra la première institution financière de Rome. La famille s’enrichit et acquiert un large patrimoine, Giovanni devint administrateur des finances du Vatican. Il est anoblit par le Pape qui le fait duc en 1794, puis marquis de Roma Vecchia e Turrita et prince de Civitella Cesi en 1803. Au cours des siècles, la famille Torlonia a amassé une immense fortune ainsi qu’une collection de chef-d’œuvres archéologiques, incluant notamment 620 marbres, dont le Louvre nous offre un magnifique aperçu.
(*) Mentions sur les cartels des oeuvres