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Auguste Herbin : La couleur à travers les styles et les formes

Jusqu’à mi-septembre 2024, le Musée de Montmartre a dévoilé une sélection d’œuvres du peintre Auguste Herbin, offrant au grand public une plongée lumineuse dans l’univers multiforme de cet artiste méconnu. Le visiteur, intrigué en entrant, ressort ébloui, imprégné de couleurs vibrantes et fasciné par les nombreuses facettes révélées d’un maître trop longtemps dans l’ombre.

L’exposition propose une véritable promenade à travers soixante ans d’histoire de l’art du XXe siècle.

Débuts sous diverses influences figuratives…

Au fur et à mesure des premières petites salles en enfilade, le public est saisi par la diversité des influences qui ont nourri la création d’Herbin.

Entre 1901 et 1907, les tableaux exposés montrent l’évolution stylistique rapide de l’artiste, passant du divisionnisme (Paysage nocturne à Lille) à l’impressionnisme et au pointillisme (Soleil et Toits de Paris sous la neige), puis à une approche nordique dans Nature morte aux grenades. L’exposition nous emmène ensuite vers des œuvres fauvistes aux couleurs chaudes, comme Portrait de jeune fille, Les trois vases ou La place Maubert.

Portrait de Jeune fille, 1907
Portrait du peintre Battaglia, 1906
Toits de Paris sous la neige (1902)

Un voyage stylistique et coloré

L’exposition suit une chronologique parfaite, en présentant une nouvelle génération d’œuvres au style inédit dénotant l’admiration d’Herbin pour Cézanne et les peintres cubistes.

Paysage près de Cateau-Cambrési, 1905

Nature morte avec carafe et plante renvoie aux natures mortes présentées sur un plan en déséquilibre de Cézanne.

A partir de 1908, Herbin opte pour une expression cubiste de sa vision du monde, tout en conservant néanmoins son utilisation de couleurs vibrantes dans des aplats colorés, et un agencement lisible et équilibré de formes structurées. Témoignent de ce glissement stylistique Paysage près de Cateau-Cambrésis, Paysage à Hardricourt, Route muletière et maison à Céret, Famille, femme et enfants.

Route muletière et maison à Caret, 1913
Nature morte au chapeau, 1908

…Jusqu’à l’abstraction

De retour de la Guerre de 1914-18, Herbin se tourne vers l’abstraction, avec notamment Composition circulaire. Puis, il crée des objets monumentaux dans la mouvance européenne notamment du Bauhaus.

Faute d’intérêt du public pour ces créations, l’artiste revient dès 1922 à une figuration schématisée et distancée qui sera qualifiée de réalisme magique.

Ce sont des paysages Le chemin du bon ange à Vaison-La-Romaine, des natures mortes, Nature morte aux poivrons choux rouges, et des scènes, Les joueurs de boules N°2.

À partir de 1925, Herbin s’oriente vers l’abstraction, un choix radical qu’il maintiendra à partir de 1930 jusqu’à sa mort en 1960. Durant cette période, il produit des compositions marquées par des aplats de couleurs pures et des formes fluides, comme L’homme oiseau II ou Composition sur fond blanc.

Chemin du bon ange à Vaison-la-Romaine (1924)
Composition sur fond blanc (1932)

Alphabet plastique

1939 marque un tournant. Herbin étudie « la Théorie des couleurs » de Goethe qui opposait le clair à l’obscur. Il crée de grands formats aux couleurs vives comme Synchronie en jaune composés de formes géométriques et d’ondulations.

Poursuivant cette logique, Herbin conçoit un alphabet plastique dans lequel il associe 26 couleurs, cinq figures géométriques – carré, cercle, demi-cercle, rectangle, triangle, et des notes de musique : à chaque lettre correspondent des formes, des couleurs et des notes dédiées. De nombreuses œuvres témoignent de cette méthode de composition, telles que Charme, Lune, ou Dieu. Ce style fait école et essaime auprès d’artistes de renom comme Vasarely, fondateur de l’art optique. 

Un pionnier de l’abstraction

Auguste Herbin, tantôt suiviste des courants artistiques, tantôt précurseur et théoricien, a participé à toutes les avant-gardes du début du XXe siècle. L’exposition du Musée de Montmartre est une véritable invitation à parcourir ces courants artistiques majeurs en suivant les pas de cet artiste visionnaire. Elle permet de redécouvrir ce maître de la couleur, qui a marqué l’histoire de l’abstraction et inspiré toute une génération d’artistes.

Un petit regret : l’absence d’œuvres de ses contemporains et héritiers, qui auraient pu enrichir cette exploration du parcours créatif d’Auguste Herbin.