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PICASSO ICONOPHAGE !
Pablo Picasso, doté d’une curiosité insatiable, a constitué tout au long de sa vie une documentation foisonnante de plus de deux cent mille éléments : dessins, peintures, lithographies, sculptures, articles, photographies, et bien plus encore.
Ces documents, sources d’inspiration thématiques et formelles, ont nourri et stimulé son imagination créatrice, influençant son œuvre de manière directe ou indirecte. L’exposition Picasso Iconophage explore quatre des thèmes favoris de l’artiste, en les mettant en parallèle avec une partie de cette vaste documentation.
L’exposition Picasso iconophage présente quatre des thèmes favoris de l’artiste pour les mettre en parallèle avec une partie de cette documentation.
Sous la direction des commissaires Cécile Godefroy et Anne Montfort-Tanguy, l’exposition s’articule autour des thèmes : le héros, le minotaure, le voyeur, le mousquetaire. Elle se décline en cinq salles, chacune dédiée à un thème spécifique.
HÉRO, ou victime
La première salle est consacrée à la figure du héros, tour à tour victime ou acteur d’une tragédie, souvent historique. Les références à la peinture d’histoire fusionnent pour exprimer la vision d’un Picasso anti-guerre.
Ainsi, l’artiste va-t-il conjuguer les influences de Manet dans son Exécution de Maximilien et de Goya dans Avec ou sans raison, série les désastres de la guerre dans son tableau Massacre en Corée.
Goya encore, avec Quel guerrier ! (série Les Disparates), imprègne son dessin Guerre et Paix.
Goya
Des réinterprétations de L’Enlèvement des Sabines des peintres Nicolas Poussin et Jacques-Louis David sont également à l’origine de la version propre de Picasso pour ce sujet.
Autres tableaux sur le thème du Héro
Le meurtre (7 juillet 1934) Picasso
Marat assassiné, d’après David, Alexandre Toupey
Le meurtre (10 juillet 1934), Picasso
Le MINAUTORE, le monstre
La deuxième salle se focalise sur le minotaure, une figure récurrente et majeure de l’œuvre de Picasso, issue de la mythologie antique. À la fois homme et taureau, cette créature incarne pour l’artiste espagnol l’expression des pulsions primaires, de la brutalité, de la violence et de la mort, thèmes intimement liés à la tauromachie..
Ces caractéristiques se retrouvent dans Corrida : taureau et cheval et Corrida : la mort du torero, influencées par la série La Tauromachie de Goya. Le minotaure est aussi le symbole de la sensualité chez Picasso, comme en témoignent Minotaure caressant du museau la main d’une dormeuse, Minotaure embrassant une femme ou Marie-Thérèse en torero, des œuvres où tendresse, passion et violence se côtoient..
Le minotaure est également un vecteur de l’expression de la sensualité de l’artiste comme dans Minotaure caressant du muffle la main d’une dormeuse, Minotaure embrassant une femme, ou Marie-Thérèse en torero , œuvres qui conjuguent tendresse, passion et violence.
UNE NOURRITURE pour l’imaginaire de l’artiste
La troisième salle, charnière de l’exposition, offre un panorama des ressources qui ont nourri l’imaginaire de Picasso et stimulé sa créativité de Picasso. Bien que ce ne soit qu’un échantillon des deux cent mille documents accumulés par l’artiste, il permet de saisir son processus créatif. À l’entrée de cette salle, le regard du visiteur ne sait où se poser tant il est sollicité par ce patchwork, véritable cabinet de curiosités mêlant articles de journaux, dessins, correspondances, photographies et reproductions…. tous serrés les uns contre les autres. Cet amas d’informations révèle les influences esthétiques, politiques et intellectuelles qui ont façonné son œuvre..
VOYEUR, REGARDEUR OU ARTISTE ?
La quatrième salle aborde la figure du voyeur. Pointant le caractère provocateur de Picasso, les œuvres de cette salle démontrent la volonté de Picasso de dénoncer l’hypocrisie et de briser les codes sociaux quant à ce qui est montrable et ce qui ne l’est pas. L’artiste efface la frontière entre décence et indécence, beau et laid et donne à voir prostitution et fluides corporels dans un jeu où l’on ne sait qui, de l’artiste ou du regardeur, est le voyeur.
A l’instar de Rembrandt et de sa Femme qui pisse Picasso propose sa Pisseuse. De même, beaucoup plus tard, il synthétise la toile de Degas La fête de la patronne dans sa gravure La patronne faiseuse d’anges, avec trois filles, Degas aux mains dans le dos dans laquelle il représente Degas en voyeur, dans la pénombre, derrière les sujets féminins.
Suivant la voie de Matisse et son dessin Cahier d’art, numéro spécial-dessins de Matisse-n°3-5, 1936 et de sa peinture Nu dans un fauteuil, plante verte, il peint L’ombre dans lequel il met en parallèle l’artiste et le voyeur face à un tableau qui absorbe et efface son modèle..
LE MOUSQUETAIRE
La dernière salle est dédiée à la figure du mousquetaire, un personnage qui apparaît tardivement dans l’œuvre de Picasso. Bien loin de la figure puissante du minotaure, le mousquetaire est souvent représenté comme un être jovial, parfois même ridicule.
Ce personnage, reconnaissable à son chapeau et ses moustaches, se retrouve dans des œuvres telles que Sept mousquetaires et Mousquetaire attablé avec un jeune garçon, évoquant la vie de l’artiste. Parfois musicien, comme dans Mousquetaire à la guitare, il est dépouillé de la puissance bestiale du minotaure.
Se plaçant dans les pas du Greco Portrait d’homme et de Rembrandt Rembrandt appuyé, Picasso prend en compte le visiteur et instaure dans Tête de mousquetaire IV un face-à-face direct entre le sujet portraitisé et son regardeur.
Particulièrement intéressante, l’exposition Picasso iconophage s’adresse à des visiteurs souhaitant comprendre le mode de création de Picasso. Point fort, l’objet même de l’exposition qui entraine le visiteur dans une démarche d’historien d’art.
Cette exposition Picasso Iconophage est un véritable voyage dans l’esprit créatif de l’artiste. Si le choix de se concentrer sur quatre figures-clés peut laisser le visiteur sur sa faim, il plonge néanmoins le public dans une réflexion profonde sur ce qui nourrit l’imagination des artistes et comment ils réinterprètent les images et les idées pour construire leur propre langage artistique..