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Exposition RIBERA
…ténèbres et lumière
L’exposition du Petit Palais à Paris, du 26 septembre 2024 au 21 janvier 2025, a présenté un exceptionnel panorama de l’œuvre de Jusepe de Ribera, un des plus grands maîtres du baroque. Cette rétrospective comprend une centaine d’œuvres. Elle permet de plonger le visiteur dans l’univers de cet artiste souvent méconnu mais qui a marqué son époque par sa maîtrise de la lumière, du réalisme, de la psychologie des personnages ainsi que par son humanité.
Peintre de génie, Ribera stupéfie par l’égale qualité de ses dessins et gravures.
L’exposition aborde dans un premier temps la période romaine d’un jeune Ribera de 14 ans, période qui court de 1605 à 1616. Puis dans un deuxième temps, vient la période napolitaine de l’artiste qui connait alors une véritable célébrité jusqu’à sa mort en 1652.
La période romaine
Cette dizaine d’années constitue pour Ribera une période de formation qu’il va mettre à profit pour construire les fondements de son art. Suiveur de l’œuvre de Caravage dont il adopte les caractéristiques, il met en scène ses tableaux grâce à une utilisation grandissante du clair-obscur, une gestuelle emphatique, un pur réalisme et le recours à des modèles vivants. Ces spécificités se retrouvent dans les tableaux des Cinq sens.
Pareillement, ses portraits d’apôtres les Apostolados comportent ces mêmes traits distinctifs.
L’exposition fait le récit de la réattribution du tableau du Jugement de Salomon par un historien de l’art en 2002 qui a fait évoluer la connaissance des œuvres romaines de Ribera, en leur adjoignant une soixantaine d’œuvres. Parmi celles-ci Le Christ parmi les docteurs ou Le Reniement de saint Pierre.
La période napolitaine
En 1616, Ribera s’installe à Naples où il va connaitre une célébrité fulgurante. Il y reste 36 ans et y reçoit une multitude de commandes d’institutions prestigieuses comme la Collégiale d’Osuna de Séville ou l’église de la Trinità delle Monache de Naples. Dans ce cadre, il réalise le chef-d’œuvre Saint Jérôme et l’Ange du Jugement dernier.
L’artiste traduit avec un réalisme cru le rendu des corps douloureux et la dignité de la misère humaine. Les tableaux comme Le Pied-bot, Jeune-fille au tambourin, ou Une vieille usurière n’en sont que des exemples.
Son intérêt pour l’étrange le pousse à portraiturer des personnages à la fois dignes et proches du grotesque comme Magadalena Ventura, dans Femme à la barbe. A droite du tableau deux cartouches décrivent en latin l’histoire de ce personnage.
A ce point de la visite, le visiteur pénètre dans une salle consacrée aux œuvres dessinées et gravées de Ribera. Elles témoignent de l’immense virtuosité mais également de la fantaisie de l’artiste
L’exposition se poursuit sur les œuvres profanes de Ribera avec 4 toiles traitant de mythes antiques. , On y distingue sa vision grotesque de sujets païens. Ces tableaux sont néanmoins l’occasion d’utiliser des gammes de couleurs inédites dans ses œuvres religieuses, des bleus somptueux, des rouges flamboyants et des roses voluptueux.
Les dernières salles de l’exposition sont consacrées à la peinture religieuse dans ce qu’elle a de plus dramatique.
Les œuvres de Ribera sur ce thème expriment l’acuité extrême de la douleur, la souffrance et la dévotion avec une rare intensité. C’est dans la texture même des corps martyrisés, dans l’atrocité des gestes et dans l’expression de l’horreur que l’artiste révèle un talent hors du commun. Ce réalisme empathique de Ribera pour l’humain constitue le génie de son œuvre.
L’exposition se termine sur des salles dédiées à des scènes de torture. Ribera représente le spectacle de la violence imposée publiquement au XVIIe siècle par l’inquisition aux martyres chrétiens, scènes dont il a été témoin comme toute personne de cette époque de fanatisme religieux. Il instaure dans ses tableaux des compositions asymétriques sur fond de noir intense, dépeint des personnages aux gestes violents, aux expressions éloquentes afin d’impliquer le spectateur. Ribera va décliner ce thème de façon répétitive dans de multiples variations. La succession de ce type de tableau dans l’exposition, va susciter chez le visiteur une réaction de saturation.
L’exposition Ribera permet de découvrir l’œuvre d’un artiste hors du commun. Les portraits et scènes de groupe frappent par leur qualité et inventivité. Les scènes de torture suscitent le rejet. Métissage de caravagisme et de peinture espagnole, Ribera est un maitre du réalisme qui retranscrit la réalité du quotidien de l’homme de la rue sous l’inquisition. L’artiste excelle en virtuose dans le rendu de la dignité de la misère humaine dans toutes ses composantes.