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Exposition RIBERA

ténèbres et lumière

L’exposition du Petit Palais à Paris, du 26 septembre 2024 au 21 janvier 2025, a présenté un exceptionnel panorama de l’œuvre de Jusepe de Ribera, un des plus grands maîtres du baroque. Cette rétrospective comprend une centaine d’œuvres. Elle permet de plonger le visiteur dans l’univers de cet artiste souvent méconnu mais qui a marqué son époque par sa maîtrise de la lumière, du réalisme, de la psychologie des personnages ainsi que par son humanité.  

Un mendiant, Ribera, 1612-1613, Rome Galleria Borghese

Allégorie de l’odorat, Ribera, 1615-1616, Madrid, Collection Abello

Démocrite, Ribera, 1615-1616, coll. particulière

Peintre de génie, Ribera stupéfie par l’égale qualité de ses dessins et gravures.

Tête de guerrier, Ribera, 1610-1615, Museo Nacional del Prado

Tête de satyre, Ribera, 1620-1625, New-York, Metropolitan Museum of Art

Saint Jérome lisant, Ribera, 1624, Paris, Petit Palais musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

Le Poète, Ribera, 1620-1621, Paris, Petit Palais musée des Beaux-Arts de la Ville de Paris

L’exposition aborde dans un premier temps la période romaine d’un jeune Ribera de 14 ans, période qui court de 1605 à 1616. Puis dans un deuxième temps, vient la période napolitaine de l’artiste qui connait alors une véritable célébrité jusqu’à sa mort en 1652.

La période romaine

Cette dizaine d’années constitue pour Ribera une période de formation qu’il va mettre à profit pour construire les fondements de son art. Suiveur de l’œuvre de Caravage dont il adopte les caractéristiques, il met en scène ses tableaux grâce à une utilisation grandissante du clair-obscur, une gestuelle emphatique, un pur réalisme et le recours à des modèles vivants. Ces spécificités se retrouvent dans les tableaux des Cinq sens.

Allégorie du goût, Ribera, 1615-1616, Hartford, Wadsworth Atheneum Museum of Art

Allégorie de l’odorat, Ribera, 1615-1616, Madrid, Collection Abello

Pareillement, ses  portraits d’apôtres les Apostolados comportent ces mêmes traits distinctifs.

Saint Thomas, Ribera, 1613, Florence, Fondazione di Studi di Storia dell’Arte Roberto Longhi

Saint Jude Thaddée, Ribera, 1613, Florence, Fondazione di Studi di Storia dell’Arte Roberto Longhi

Saint Barthélemy, Ribera, 1613, Florence, Fondazione di Studi di Storia dell’Arte Roberto Longhi

Saint guerrier, Ribera, 1614-1615, Montauban, musée Ingres Bourdelle

L’exposition fait le récit de la réattribution du tableau du Jugement de Salomon par un historien de l’art en 2002 qui a fait évoluer la connaissance des œuvres romaines de Ribera, en leur adjoignant une soixantaine d’œuvres. Parmi celles-ci Le Christ parmi les docteurs ou Le Reniement de saint Pierre.

Le reniement de saint Pierre, Ribera, 1615-1616, Rome, Gallerie Nazionali d’Arte Antica, Galleria Corsini

Le jugement de Salomon, Ribera, 1609-1610, Rome Galleria Borghese

Jésus parmi les docteurs, Ribera, 1612-1613, Langres, musée de Langres

La période napolitaine

En 1616, Ribera s’installe à Naples où il va connaitre une célébrité fulgurante. Il y reste 36 ans et y reçoit une multitude de commandes d’institutions prestigieuses comme la Collégiale d’Osuna de Séville ou l’église de la Trinità delle Monache de Naples. Dans ce cadre, il réalise le chef-d’œuvre Saint Jérôme et l’Ange du Jugement dernier.

Saint Jérome et l’Ange du Jugement dernier, Ribera, 1626, Naples, Museo e Real Bosco di Capodimonte

L’artiste traduit avec un réalisme cru le rendu des corps douloureux et la dignité de la misère humaine. Les tableaux comme Le Pied-botJeune-fille au tambourin, ou Une vieille usurière n’en sont que des exemples.

Le pied-bot, Ribera, 1642, Paris, Musée du Louvre

Une vieille usurière, Ribera, 1638, Madrid, Museo Nacional del Prado

Jeune fille au tambourin, Ribera, 1637, coll. particulière

Son intérêt pour l’étrange le pousse à portraiturer des personnages à la fois dignes et proches du grotesque comme Magadalena Ventura, dans Femme à la barbe. A droite du tableau deux cartouches décrivent en latin l’histoire de ce personnage.

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A ce point de la visite, le visiteur pénètre dans une salle consacrée aux œuvres dessinées et gravées de Ribera. Elles témoignent de l’immense virtuosité mais également de la fantaisie de l’artiste

Tête grotesque avec goitre et oreilles pointues, 1620-1625, University of Cambridge

Achille parmi les filles de Lycomède, Ribera, 1637-1640

Gitane avec ustensiles de cuisine, deux enfants et un chien, Ribera, 1640-1649, Madrid, Collection Abello

Une chauve-souris et deux oreilles, Ribera, 1620-1623, New-York, The Metropolitan Museum of Art

L’exposition se poursuit sur les œuvres profanes de Ribera avec 4 toiles traitant de mythes antiques. , On y distingue sa vision grotesque de sujets païens. Ces tableaux sont néanmoins l’occasion d’utiliser des gammes de couleurs inédites dans ses œuvres religieuses, des bleus somptueux, des rouges flamboyants et des roses voluptueux.

Vénus et Adonis, Ribera, 1637, Rome, Gallerie Nazionali d’Arte Antica

Tête de Sylène (fragment du Triomphe de Bacchus), Ribera, 1635, Jaime Eguiguren – Arts & Antiques

Le Silène ivre, Ribera, 1626, Naples, Museo e RealBosco di Capodimonte

Apollon et Marsyas, Ribera, 1637, Naples, Museo e RealBosco di Capodimonte

Les dernières salles de l’exposition sont consacrées à la peinture religieuse dans ce qu’elle a de plus dramatique.

Sainte Marie l’Egyptienne, Ribera, 1641, Montpellier, musée Fabre

Madeleine pénitente, Ribera, 1641, Madrid, Museo National del Prado

Les œuvres de  Ribera sur ce thème expriment l’acuité extrême de la douleur, la souffrance et la dévotion avec une rare intensité. C’est dans la texture même des corps martyrisés, dans l’atrocité des gestes et dans l’expression de l’horreur que l’artiste révèle un talent hors du commun. Ce réalisme empathique de Ribera pour l’humain constitue le génie de son œuvre.

La Mise au tombeau, Ribera, 1616-1624, Paris, musée du Louvre

Lamentation sur le Christ mort, Ribera, 1620-1623, Londres, The National Galery

6868   Lamentation sur le Christ mort, Ribera, 1633, Madrid, Museo Nacional Thyssen-Bornemiza

L’exposition se termine sur des salles dédiées à des scènes de torture. Ribera représente le spectacle de la violence imposée publiquement au XVIIe siècle par l’inquisition aux martyres chrétiens, scènes dont il a été témoin comme toute personne de cette époque de fanatisme religieux. Il instaure dans ses tableaux  des compositions asymétriques sur fond de noir intense, dépeint des personnages aux gestes violents, aux expressions éloquentes afin d’impliquer le spectateur. Ribera va décliner ce thème de façon répétitive dans de multiples variations. La succession de ce type de tableau dans l’exposition, va susciter chez le visiteur une réaction de saturation.

Saint Sébastien soigné par Irène et sa servante, Ribera, 1621-1624, Bilbao, Museo de Bellas Artes

Martyre de saint Barthélemy, Ribera, 1628, Florence, Gallerie degli Uffizi

Le Martyre de saint Barthélemy, Ribera, 1644, Barcelone, Museu Nacional d’Art de Catalunya

Saint Sébastien, Ribera, 1651, Naples, Certosa e Museo Nazionale di San Martino

L’exposition Ribera permet de découvrir l’œuvre d’un artiste hors du commun. Les portraits et scènes de groupe frappent par leur qualité et inventivité. Les scènes de torture suscitent le rejet. Métissage de caravagisme et de peinture espagnole, Ribera est un maitre du réalisme qui retranscrit la réalité du quotidien de l’homme de la rue sous l’inquisition. L’artiste excelle en virtuose dans le rendu de la dignité de la misère humaine dans toutes ses composantes.