ArtExpos

Pour l’amour de l’art !

Un détour au Musée d’art contemporain de Kuala Lumpur

Ur-Mu Bukit Bintang

3, jalan Bedara, Bukit Bintang
Kuala Lumpur, Malaysia

Website : www.ur-mu.com

Si, au cours de vos voyages, vous passez par la capitale de la Malaisie, Kuala Lumpur, ne manquez pas de visiter le charmant Urban Museum, Ur-Mu, créé à l’initiative de l’architecte amateur d’art Tan Loke Mun. Réparti sur trois sites dans le « Golden triangle », au centre ville, cette collection d’art contemporain présente une centaine d’œuvres d’artistes malaisiens et du sud-est asiatique. Elle offre au voyageur une vision exhaustive de la Malaisie, de ses diverses composantes culturelles, des aspirations de sa jeunesse ainsi que des enjeux politiques et sociétaux de cette partie du monde au 21ème siècle.

La présentation de la collection de l’ Ur-Mu de Bukit Bintang est organisée en cinq parties, une par étage, chacune dédiée à un thème différent :

Etage 1 = sens-Asia people

Etage 2 = Kampung Kita power play

Etage 3 = Raksasa Monsters Superheroes

Etage 4 = Framing modernity structure

Etage 5= Made’s garden, sculpture lounge

Le premier niveau « Sens Asia / People »

Le premier niveau, « Sens-Asia / People », regroupe des œuvres traitant du thème de la culture asiatique dans ses diverses modalités et coutumes au 21ème siècle.

La partie intitulée « Sens » offre une vision de la jeunesse malaisienne bohème. Le tableau The precious wedding en est un bon exemple. Il représente un groupe d’amis fêtant le mariage de deux d’entre eux, l’atmosphère est joyeuse et amicale, la présence d’un porc au centre de la toile évoque l’effacement des barrières entre amis issus de multiples cultures aux usages parfois traditionnellement antagonistes.

Jalaini Abou Hassan, The precious wedding, 2019, bitume et acrylic sur toile

La partie « People » remonte tout d’abord aux racines de la Malaisie de la fin du 18ème siècle. Une œuvre de Haron Moktar, Siri Melaka 1, Hang Li Po, montre la « Rumah Demang Abdul Ghani », la maison traditionnelle malaise de Malacca construite en tek et bois précieux sans un seul clou, époustouflante réalisation qui fait la fierté de la nation. Au bas du tableau l’artiste a campé six personnages. Ils représentent les protagonistes de la légende du mariage de la princesse chinoise Hang Li Po avec le Sultan malais Mansour Shah, préfigurant l’hybridation et le multiculturalisme du peuple de Malaisie.

Haron Mokhtar, Siri Melaka 1, hang li po, 2016, acrylic sur toile

Des portraits de contemporains font le pont entre tradition et modernité.

Fadilah Karim, In vague II, 2012, huile sur toile

Anthonie Chong, sans titre, 1994, huile sur toile marouflée sur panneau de bois

Le niveau 2 «  Kampung Kita / Power play »

Le niveau 2 du musée intitulé «  Kampung Kita / Power play » ,  se concentre sur des œuvres liées au paysage malaisien puis aux jeux de pouvoir.

La partie «  Kampung Kita » met le visiteur en contact direct avec la vie des simples travailleurs. Une installation présente au premier plan la proue en cours d’exécution d’une barque de rotin et bambou tressés comme le faisaient les villageois du passé. Sur le sol, un fagot de rotin destiné au tressage. A l’arrière, un grand tableau présentant la vie d’un village fourmillant d’activités et d’interactions humaines complète ce panorama de la Malaisie rurale d’autrefois.

Atirah Zuraini, The revival of the traditional wowen craft, 2019, rotin et bambou

Faizal Suhif, Labah, 2017, stencil et fusain sur toile

Kide Baharudin, Bashasa Manusia, 2018, acrylic et encre sur toile

Atirah Zuraini, Waving III, 2019, fusain sur papier

Sur le mur opposé, faisant le lien entre passé et présent dans les campagnes, une série de quatre photographies montrent grandeur nature, les agriculteurs d’aujourd’hui dans leur quotidien au travail dans les champs.

Samsudin Wahab, The lone ranger – The brillant four, 2016

Samsudin Wahab, The dynamic duo -The magnificent three, 2016

La section « Power play » regroupe des œuvres de styles variés traitant de la question du pouvoir et notamment de l’aspiration à un équilibre démocratique.

La sculpture de métal de  Raja Shahriman B. Raja Aziddin, Takhta perebutan, en français « Combat pour le trône », réalisé dès 1997, montre explicitement les dangers d’un tel combat. Les dix lames recourbées sur le dossier et les trois heaumes menaçants qui se confrontent, dissuadent tout éventuel candidat de prendre possession du siège.

Raja Shahriman B. Raja Aziddin, Takhta perebutan, 1997, sculpture de métal forgé

Trois peintures complètent cette mise en garde. Les tableaux Praying for help et Waiting for Justice de 2016 mettent en évidence les aspirations de la jeunesse au changement vers un équilibre démocratique. Le portrait du vieux politicien Mahathir, apparaît souriant et satisfait, après être resté au pouvoir pendant 22 ans, puis être revenu à la tête du pays en 2018 à l’âge de 92 ans.

Hisyamuddin Abdullah, Waiting for Justice, 2016, acrylic sur toile

Stephen Menon, Mahathir 1, 2012, divers media sur toile

2+2=5, Praying for help, 2016, pastel sur toile

Le tableau Bahtera Nakhoda dua, en français « deux capitaines sur un navire » souligne avec humour l’impossibilité d’une direction par deux chefs.

Hisyamuddin Abdullah, Bahtera Nakhoda dua,2021, acrylic sur toile

Le niveau 3 « Raksasa / Monsters Superheroes »

Le niveau 3 du musée, intitulé « Raksasa », se focalise sur les figures de  monstres et de leurs antagonismes positifs, les super héros. Le monstre est un thème récurrent dans les cultures asiatiques. Il incarne les forces du mal, les démons qui menacent le monde et contre lesquels les hommes doivent lutter.

La section « Raksasa » est introduite par la spectaculaire installation du magnifique squelette en fibre de verre et métal, the skeleton of Makara, The myth of a Myth. Mi terrestre mi aquatique, ce monstre à l’apparence authentique trompe le visiteur qui, au premier regard est saisi par la réalité de sa présence.

Tan zi Hao, The skeleton of Makara (the myth of a myth), 2016, fibre de verre et métal

D’autres œuvres reprennent le thème du monstre qu’elles déclinent dans des styles variés.

Nadiah Bamadhaj, No really I’m fine, 2014, fusain et collage sur papier

Raja Shahriman B. Raja Aziddin, Api Bayangan & Kemenyan 5, 1997, sculpture de métal

Kittisak Thapkoa, Fact of life 5, 2017, dessin sur toile

Sabihis Md Pandi, Talk to my hand, 2013, impression au tampon et au bois sculpté sur toile

Raja Shahriman B. Raja Aziddin, Siri lok study 2, 5, 9, 2019, encre, stylo, acrylic sur bois

La partie consacrée aux supers héros, forces du bien luttant contre le mal, met en scène des figures mythiques, samouraï, ultraman, doberman, en instaurant une fusion entre le bien et le mal.

Edroger Rosili, Ultraman Gaia Lawan panglima salak, 2017, acrylic sur toile

Edroger Rosili, Penangkapan tok petai, 2017, acrylic sur toile

Une série d’aquarelles campent les héros modernes que sont les équipes de soignants qui ont luttés contre le mal du covid qui a fortement marqué le peuple malaisien.

Phuan Thai Mei, a study of re-archived images 09, 2020, aquarelle sur papier

Phuan Thai Mei, a study of re-archived images 17, 2020, aquarelle sur papier

Phuan Thai Mei, a study of re-archived images 02, 2020, aquarelle sur papier

Phuan Thai Mei, a study of re-archived images 01, 2020, aquarelle sur papier

Phuan Thai Mei, a study of re-archived images 08, 2020, aquarelle sur papier

Phuan Thai Mei, a study of re-archived images 013, 2020, aquarelle sur papier

Etage 4 : Framing modernity structure

Le niveau 4 propose au visiteur des œuvres répondant aux critères et aux préoccupations du 21ème siècle, tout en faisant la démonstration du savoir faire des artistes exposés.

Plusieurs œuvres s’insèrent dans le mouvement de la création graphique moderne. On y  reconnait des styles connus en occident, comme l’hyper réalisme ou la création aléatoire dans le style de Simon Hantaï.

Zarina Ibrahim, You will never get that moment again, the same as it was, 2019, impression sur chiffon

Jamie Tan You Kean, Intoxicated calls, 2018, huile sur toile de lin

Yeoh Choo Kuan, Unrealisable desire, 2014, huile et laque sur toile

Les œuvres Save Us et Seladang expriment le souci de maintenir les espèces en danger du sud-est asiatique. Ahmad Sakii Anwar expose un dessin au fusain d’un buffle gaur en dimensions réelles, témoignant d’un sublime rendu quasi hyper réaliste. Parallèlement, Ronnie Wood livre une sculpture de tigre grandeur nature, saisissant de vérité en dépit de couleurs non réalistes. La qualité de réalisation de ces œuvres témoigne de la formidable maestria des arts graphiques de ces artistes.

Ronnie Wood, Save us, 2021, acrylic paint on fiber glass tiger with internal armature

Ahmad Sakii Anwar, Seladang, 2022, fusain sur papier

La section associée s’intitule « Structure ». Elle complète ce panorama du 21ème siècle par des dessins d’architecture qui s’harmonisent parfaitement avec l’environnement urbain de la ville de Kuala Lumpur.

Qing Hao, Jalan Sultan, 2019, divers média sur papier

Yusof Majid, Construction icon, 2018, divers média sur papier

Robert Powell, Seapark House, Rumah Lukis, Twin House, 2020

Etage 5 : Made’s garden / sculpture lounge

Le niveau 5, dernier étage du musée est le plus intimiste. Il est composé d’un petit espace consacré aux sculptures, inspiré dans sa disposition de l’atelier de Brancusi.

Un autre espace de taille réduite, Made’s garden, est dédié au paysagiste Made Wijaya, ami du fondateur. Plusieurs aquarelles participent à l’ambiance surannée de ce quasi boudoir.

Arwut Ankawut, Boat on river, 2015, aquarelle

Arwut Ankawut, Temple, 2015, aquarelle

Une agréable terrasse dominant le quartier complète de dernier étage.

Pour conclure, le Ur-Mu de Bukit Bintang constitue une visite à ne pas manquer. Peu fréquenté, l’endroit associe charme, sensibilité et intelligence. Les œuvres sont de bonne qualité, pour une grande partie intéressantes et porteuses d’informations pertinentes sur la Malaisie d’aujourd’hui. Elles soulignent l’importance des traditions dans la société malaisienne moderne, en perpétuelle évolution. Elles démontrent également comment une société multiculturelle peut évoluer harmonieusement et paisiblement.