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Exposition Suzanne Valadon
Exposition du Centre Pompidou (15 janvier au 26 mai 2025)
Le Centre Pompidou à Paris a présenté du 15 janvier au 26 mai 2025 près de deux cents œuvres de Suzanne Valadon (1865-1938), principalement des peintures et des dessins. L’exposition met en évidence l’itinéraire de l’artiste, depuis l’un de ses tout premiers autoportraits jusqu’à ses dernières toiles dont beaucoup consacrées au nu et au genre du portrait.

Autoportrait, 1916, huile sur carton, Collection Douglas Green
Artiste sans concession, Suzanne Valadon s’attache à peindre le réel. Elle offre sa vision de la personne humaine, homme ou femme, à tous les âges de la vie, de l’enfant au vieillard et présente des sujets nus féminin ou masculin, dans leur vérité, sans fard ni séduction.
Les œuvres sont introduites par un ensemble d’autoportraits puis regroupées en cinq parties selon les thématiques suivantes :
Apprendre par l’observation

Gilberte nue se coiffant, 1920, huile sur toile, Collection particulière
Portraits de famille

La mère de l’artiste, 1912, resto huile sur carton, Centre Pompidou MNAM, Paris *
Peindre les gens pour apprendre à les connaître

Portrait de la mère de Bernard Lemaire, 1894, huile sur panneau, collection de la ville de Sannois (Val d’Oise)
Quelques rares œuvres d’artistes influents et de femmes peintres de la même époque complètent çà et là ce panorama.
On y trouve des toiles de Marie-Laurencin ou de Georgette Agutte.
L’exposition met en évidence la liberté intrinsèque de Suzanne Valadon qui s’imprègne des tendances de son époque, sans pour autant s’inscrire nettement dans aucun courant artistique. On reconnait ici et là dans ses œuvres, tel ou tel éléments caractéristiques du fauvisme, du réalisme, voire de l’expressionnisme.
Visite guidée
A titre d’introduction, les commissaires de l’exposition ont choisi de présenter Suzanne Valadon telle qu’elle se voyait elle-même au travers de neuf autoportraits de différentes périodes.
Marie Clémentine Valadon, de son nom d’origine, est née avec la passion du dessin et de la peinture. Elle pose pour le peintre Toulouse-Lautrec qui la nomme « Suzanne » à l’instar de l’héroïne biblique que convoitaient, dans les textes, des vieillards libidineux.
En 1883, l’artiste-modèle a 18 ans et franchit une étape décisive en produisant sa toute première œuvre signée du nom de Suzanne Valadon, un autoportrait au pastel.
Elle pose sur le spectateur du tableau un regard appuyé comme pour affirmer sa nouvelle identité.
En 1911, l’artiste franchit une nouvelle étape en se représentant en tant que peintre, devant sa palette et fixe son spectateur de façon quasi provocatrice.
En 1916, son style se rapproche de celui des Fauves en en adoptant les principales caractéristiques, une simplification des formes, une délimitation très marquée du contour des espaces, et des oppositions de couleurs affirmées. Dans L’acrobate ou la roue, elle évoque dans ce même style son épisode d’acrobate dans un cirque.
La chambre bleue que Suzanne Valadon signe en 1923, la représente en femme émancipée, une cigarette pendue au bord des lèvres, vêtue d’un pantalon et caraco, des livres à portée de main. Dans cette toile de grand format, l’artiste met en cause les canons de la peinture classique des odalisques, ces femmes nonchalantes, en montrant une femme affranchie dans son intimité, dénuée de désir de séduction. On retrouve également dans les tissus qui entourent le sujet l’influence décorative de Matisse.
Le dernier Autoportrait aux seins nus de 1931 conclut la déambulation artistique de Suzanne Valadon qui se livre dans sa vérité crue, en phase avec son style réaliste.
Cet autoportrait la présente à 66 ans, en train de fixer son regardeur d’un air sérieux sans complaisance ni artifice.
Apprendre par l’observation
En 1880, Marie-Clémentine Valadon a quinze ans et commence à poser pour des peintres.

Dormeuse ou Etude. Variante dans un paysage, après 1893, huile sur toile, Jean-Jacques Henner, Musée national Jean-Jacques Henner, Paris
Cette activité de modèle permet à l’artiste autodidacte en devenir d’en tirer un revenu mais également d’observer la manière de peindre, les styles et les pratiques des artistes de son époque. Elle passera ainsi des heures à côtoyer, contempler, étudier, questionner, montrer ses propres dessins, à Toulouse-Lautrec, Cézanne, Puvis de Chavannes, Steinlen, Renoir, ou Matisse.
Passionnée de dessin, elle attendra 1892 pour s’attaquer à la technique de la peinture à l’huile.
Portraits de famille
L’exposition présente plus d’une vingtaine de dessins de Suzanne Valadon qui croque les membres de sa famille. De multiples images représentent Maurice Utrillo, son fils enfant, mais également sa mère, ses compagnons. Sans aucune fioriture, ces dessins frappent par la justesse du trait et la vérité des postures. Suzanne Valadon n’a-t-elle pas dit « J’ai dessiné follement pour que, quand je n’aurais plus d’yeux, j’en aie au bout des doigts ».
Plusieurs peintures sont dédiées au cercle familial direct de l’artiste. On retrouve sa mère âgée et usée, son fils Utrillo adulte marqué par ses déséquilibres mentaux.
Le tableau Portrait de famille est particulièrement évocateur des relations difficiles entre ses protagonistes.
Entourée par sa mère, son fils et son compagnon, chacun enfermé en lui-même, Valadon semble prendre à témoin le regardeur, évoquant, la main sur le cœur, sa position centrale et son aspiration à la liberté.
Plusieurs toiles sont dédiées au deuxième cercle familial de Suzanne Valadon. Germaine et André Utter, son compagnon, sont dépeints dans des couleurs claires en opposition aux teintes assombries utilisées pour les portraits de sa mère et son fils.
Je peins les gens pour apprendre à les connaître
A partir de 1882, Suzanne Valadon commence à peindre à l’huile, essentiellement des portraits de profil ou de trois quarts, souvent sur des fonds neutres de couleur brune. On trouve déjà dans la pose des modèles et dans la palette utilisée le réalisme radical qui va caractériser l’ensemble de ses œuvres.
A partir du début du siècle, les peintures de Suzanne Valadon évoluent. L’artiste insère ses modèles dans un décor en arrière plan. Chambre avec fenêtre, rideau, bouquet de fleurs, ameublement, le sujet fait dorénavant partie d’un environnement dont les détails fusionnent avec lui, et permettent d’utiliser une palette enrichie.
Vers la fin des années Vingt, on observe une nouvelle évolution dans les portraits de Suzanne Valadon. La partie décorative s’efface pour laisser place à une forme d’austérité réaliste. Le sujet se détache sur un arrière plan de teinte rose. Il est représenté en gros plan, de face, enfermé dans ses pensées il fixe le regardeur.
La vraie théorie, c’est la nature qui l’impose
Au début des années Vingt, Suzanne Valadon acquiert le Château de Saint-Bernard dans l’Ain où elle demeure pendant dix ans.
A la même époque, elle écrit une lettre, véritable déclaration d’amour à la nature, source d’inspiration et guide de ses crayons et pinceaux.
L’exposition présente une sélection d’œuvre de cette époque, paysages, natures mortes.
Le nu : un regard féminin
Sujet de prédilection de Suzanne Valadon, le nu dans toutes ses composantes tient une place essentielle dans ses œuvres, dessins et peintures, des le tout début de sa pratique artistique jusqu’à ses derniers jours.
Les dessins de ses premières années montrent des jeunes filles graciles et des femmes mures, dans un style réaliste, tout à la fois hardi et empathique.
En 1909, l’artiste produit une de ses œuvres majeures, Adam et Eve.
Elle présente un sujet biblique classique en peinture. Elle donne aux deux personnages son apparence et celle de son compagnon André Utter. Représenté tout d’abord entièrement nu, ce dernier se voit doté d’un rameau de vigne pour cacher son sexe afin de répondre aux pressions de la censure morale de ce début de siècle.
En 1911, Suzanne Valadon présente un très grand format, La joie de vivre, titre qu’elle empreinte à la toile de Matisse sur le même sujet. Le thème s’inscrit dans le mouvement de peinture de « baigneuses » traité par de nombreux peintres, et notamment ceux de son époque, Puvis de Chavannes, Derain, Cézanne.

La joie de vivre, huile sur toile, 1911, MOMA New York
Manet avait également traité le même thème dans son Déjeuner sur l’herbe où les femmes étaient nues et les hommes habillés. Dans la toile de Valadon les cinq protagonistes, quatre femmes et un homme, sont dévêtus. Les sujets féminins sont présentés dans diverses poses, de face, de dos, courbée, accroupie, poses que Valadon a travaillées dans ses innombrables dessins. Le modèle masculin du tableau est à nouveau André Utter. Ce personnage tourné vers les femmes est présenté de dos en train de les regarder.
Autre tableau marquant, Le lancement du filet que Suzanne Valadon présente en 1914. N’y figurent que des nus masculins, trois hommes similaires, aux physiques athlétiques, dans des poses face, dos et profil.
Plus qu’une scène de pêche, la toile s’apparente à une succession d’études visant à exalter la beauté morphologique sans pour autant induire une quelconque sensualité.
On ne manquera pas dans l’exposition les multiples nus de femmes aux rondeurs assumées qui, dans une version réaliste, ne sont pas sans faire écho à la peinture classique de nus de peintres comme Boucher ou Fragonard.
Conclusion
L’exposition des œuvres de Suzanne Valadon démontre l’amplitude, la richesse et la complexité d’une artiste autodidacte, au style audacieux et empathique. Malgré son triple handicap, en tant que femme issue d’un milieu défavorisé et mère célibataire, elle a réussi grâce à son indéniable talent et son extraordinaire personnalité, se faire reconnaitre de son vivant et à vivre de sa peinture.
Nota : source Wikipedia pour les photos marquées d’un astérisque * https://fr.wikipedia.org/wiki/Suzanne_Valadon#Galerie