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Exposition Guillaume Bresson

Exposition du Château de Versailles, Salles d’Afrique (21 janvier au 25 mai 2025)

Confrontation inattendue entre l’atmosphère du Château de Versailles et celle des œuvres de Guillaume Bresson !

On anticipe un parti pris anachronique entre pur classicisme et modernité contemporaine, mais il n’en est rien. Les tableaux de ce jeune artiste s’inscrivent dans la filiation des plus grands maitres de l’art pictural, par leur forme et leurs thèmes.

Un escalier monumental permet d’accéder à la première salle de l’exposition.  Au fur et à mesure des marches gravies, l’ouverture sur la première salle d’Afrique se précise.

Dans l’encadrement de l’entrée apparait une grande toile de Guillaume Bresson toute en grisaille sur fond d’un immense tableau de 10 mètres de long d’Horace Vernet (Les colonnes d’assaut se mettent en mouvement lors du siège de Constantine, 13 octobre 1837).

En toile de fond des deux salles d’Afrique, les interminables tableaux d’Horace Vernet tapissent les murs des salles. Ils déroulent un passé guerrier coloré et caricatural de victoires coloniales, représentant des troupes civilisatrices et organisées qui conquièrent des barbares en débandade.

Exposées face au centre de chaque salle et dos aux tableaux d’Horace Vernet, les toiles de Guillaume Bresson nous proposent des instantanés de combats de jeunes d’aujourd’hui dans des parkings en sous sol. 

Salle 1, violence d’aujourd’hui sur violence d’hier.

Un homme est au sol, un autre au-dessus lui de lui brandit un pistolet, un troisième dans l’arrière fond, les mains dans le poche, regarde la scène. Un témoin, un complice… Guillaume Bresson ne suggère rien, il nous offre sans pathos ni jugement, dans un remarquable style quasi hyperréaliste, un instantané d’une scène violente. Le tableau explose d’énergie, communique du stress et fait penser au tempo d’une chorégraphie de « battle » de hip-hop.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2008, Paris, coll.part.

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Œuvres de « jeunesse », les sept toiles « sans titre » exposées dans la première salle d’Afrique ont été réalisées entre 2007 et 2010. Ce sont, l’une après l’autre, des scènes de bagarres en grisaille, qui mettent en scène dans des parkings des personnages en vêtements sportswear, ils luttent dans des corps-à-corps, courent, s’affrontent, se confrontent, se menacent, comme dans une danse rituelle.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2008, Bruxelles, coll.part.

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Les attitudes sont étonnamment  authentiques, semblables à des photos de reporter de guerre. Les dégradés de gris évoquent un reportage en immersion portant sur des zones de conflits ou sur les figures de danseurs de hip-hop.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2007, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2010, Lyon , coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2007, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2013-2017 Musée-Frac Occitanie Toulouse

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Un petit passage entre les salles 1 et 2 expose un unique tableau de 2024. Un tondo réalisé à la façon des peintres de la Renaissance, représente au centre trois personnages masculins en train de tomber, sans violence, dans une douce apesanteur.

Sur fond de ciel aux couleurs pastel, ces trois hommes entremêlés s’étreignent et semblent flotter dans les airs.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2024, coll.part.

Salle 2 : peintures de deux époques différentes.

Trois œuvres de jeunesse de 2006, 2007 et 2008, de très grands formats, poursuivent le thème récurrent de la confrontation physique mais à plus grande échelle. Loin des combats entre deux individus de la salle 1, ce sont ici de véritables rixes, voire des émeutes, se déroulant dans la rue et impliquant un grand nombre de protagonistes.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2006, Musée Grand-Duc Jean, collection Mudam, Luxembourg

Sans titre, Guillaume Bresson, 2007, coll.part.

Les deux tableaux de 2006 et 2007, comme un reportage photo, semblent représenter le même évènement à des heures différentes. Dans la toile de 2006, une rixe intense entre bandes rivales se déroule dans la journée tandis que la confrontation se poursuit de nuit sur un mode moins éruptif dans le tableau de 2007.

La toile « Sans titre » de 2008, est peinte selon une palette de grisaille colorée annonçant l’arrivée de la couleur des œuvres ultérieures de Guillaume Bresson.  Il y peint à la perfection le clair obscur nocturne de rues faiblement éclairées.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2008, Bâle, coll.part.

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Le tableau  comporte plus d’une trentaine de personnages permettant ainsi à ce jeune artiste d’exprimer toute sa dextérité dans le rendu des multiples attitudes du corps humain en mouvement et dans l’expression de puissantes émotions.  Il met en scène une véritable chorégraphie dont les danseurs évoluent sur une scène dont le décor à l’arrière plan est matérialisé par la représentation de grandes barres d’immeubles de banlieue.

Dans la salle, deux très longs formats en couleur font partie d’une série intitulée « Los Angeles ».

Ils témoignent du quotidien des migrants et de leur habitat de tentes sous le ciel d’azur de la ville mythique.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2020-2022, Paris, coll.part.

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Sans titre, Guillaume Bresson, 2020-2022, coll.Mesnil

On y  retrouve les scènes de rue prises sur le vif. Le spectateur du tableau, tout comme le témoin de la scène, est interpellé par ces altercations, sans que lui soit fournit aucun indice lui permettant d’en comprendre le déclenchement. La mise en scène est similaire à un long travelling filmé sans bande son ni explication.

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La salle 3 nous plonge dans l’obscurité, d’où émergent les scènes de cinq tableaux.

Un long panorama linéaire de 2019 rendu à la façon d’un travelling, met en scène une installation d’auto-tamponneuses en bord de mer. La mise en scène jouant sur le plein et le vide évoque l’atmosphère d’ennui des œuvres d’Edward Hopper.

Sans titre, Guillaume Bresson, Guillaume Bresson, 2019, Paris, Musée d’Art Moderne

Au premier plan un couple en action – peut-être une danse, une bousculade, camaraderie turbulente ? – rompt la monotonie. De même, à l’arrière plan, un autre groupe chahute, l’un sur l’autre entremêlé.

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Dans la continuité de ses autres œuvres, Guillaume Bresson met le regardeur du tableau en position de spectateur, de passant soudain confronté à une scène dont l’artiste ne lui fournit pas les raisons.

Suivent quatre autres scènes d’intérieur entre amis en pleine discussion. L’intimité des scènes est renforcée par la peinture en clair-obscur.

Les deux premières œuvres, une étude en petit format en noir et blanc et un grand format en couleur à l’huile, représentent exactement la même scène à des échelles et des techniques différentes. Trois hommes discutent avec animation dans un décor de sous-bois.

Sans titre, Guillaume Bresson, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2010-2012, coll.part.

A nouveau, le peintre instaure un questionnement quant à cette réunion, le spectateur hésite : s’agit-il d’une rencontre amicale, d’un complot ?

Les deux autres tableaux de grand format  de 2012 et 2009 sont peints en clair-obscur et représentent des intérieurs avec des amis autour d’une table.

Cette toile montre quatre hommes et une femme, deux des personnages masculins sur la droite du tableau semblent avoir le même modèle. La lumière, à la façon de La vocation de Saint Matthieu de Caravage, vient de la droite et éclaire comme un projecteur de théâtre le personnage qui se tient debout.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2012, coll.part.

Ce tableau d’une grande complexité présente sept protagonistes, deux femmes et quatre hommes autour d’une table, le septième est accroupi et ramasse un objet sous la table. Un homme debout dans l’ombre à l’extrême gauche fixe le spectateur qu’il semble prendre à témoin.

Sans titre, Guillaume Bresson, Belgique, coll.part.

Deux sources de lumière à l’arrière plan éclairent le tableau, l’une au centre et l’autre à droite. Ce sont des ouvertures sur l’extérieur où se déroulent des scènes de rue, au centre une altercation entre plusieurs personnes, à droite, un homme au téléphone.

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La quasi obscurité se prolonge dans la salle 4

Elle présente dix tableaux, une scène de foule en extérieur nocturne, une scène d’intimité en intérieur et huit travaux sur le corps humain en apesanteur.

Sur un parking, la nuit, une trentaine d’adolescents s’enfuient et courent dans tous les sens. Derrière eux au loin, des lueurs au dessus des bâtiments rougeoient comme des incendies. Sur le parking, un unique lampadaire domine la scène, sa lumière crue braquée comme un projecteur éclaire les vêtements blancs dans jeunes gens. La scène en clair-obscur évoque la panique tout autant que le jeu.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2020, Paris, Fondation Louis Vuitton

Les neuf autres tableaux de la salle 4 constituent des études sur le corps humain principalement, mais également sur les tissus, les plissés. Ils constituent un ensemble dont les éléments se complètent.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2018, Bâle, coll.part.

Des œuvres récentes de ces trois dernières années représentent des corps flottant en apesanteur.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2022, Paris, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2022, Paris, coll.part.

Une douceur nouvelle émane de ces tableaux à l’atmosphère onirique. La représentation de la musculature des corps ainsi que les décors de grotte et de paysage lointain embrumé, de même que les vols de colombes, évoque la peinture de la Renaissance. Si le thème change radicalement par rapport aux œuvres de jeunesse de Guillaume Bresson, ces toiles exercent à nouveau une fascination d’ordre esthétique tout en soulevant une interrogation devant la singularité de ces scènes.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2023, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2023, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2024, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2024, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2023, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, Belgique, coll.part.

Le spectateur retourne à la lumière dans la dernière salle 5.  

On y trouve un patchwork d’archives personnelles, dessins, photos, croquis, esquisses, qui renseigne sur la manière de travailler de Guillaume Bresson.

Un éloquent autoportrait de Guillaume Bresson dans la veine des autoportraits de Dürer, met en lumière les qualités de dessinateur de l’artiste.

Autoportrait, Guillaume Bresson, 2021, coll. Sauvage

De même un paysage d’une grande délicatesse confirme ces qualités de dessinateur. Dans cette toile, le peintre associe une scène de nature paisible à l’architecture austère d’une ouverture de souterrain bétonné qui rompt l’harmonie du paysage par une inquiétante brèche béante.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2012, coll. F.et D. Guerlain

D’autres œuvres complètent ce panorama des diverses facettes du talent de l’artiste.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2024, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2021, Paris, coll.part.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2021, coll.part.

Une commande du club de football du Red Star en 2013, met en lumière l’habileté de l’artiste en termes de composition appuyée par les technologies du numérique. La pluralité des panneaux composant cette œuvre constituent une synthèse des multiples talents de l’artiste.

Sans titre, Guillaume Bresson, 2016, Red Star F.C.

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Un étonnant tondo met en scène deux personnages aux vêtements colorés qui se bousculent dans une cuisine exigüe. 

Guillaume Bresson semble ici s’amuser en utilisant le format du tondo, utilisé depuis l’antiquité et à la Renaissance pour des sujets mythologiques, symboliques ou religieux, pour faire un focus sur une banale scène du quotidien.

#5.01

En conclusion

Figure majeure de la création artistique française, Guillaume Bresson conjugue dans ses œuvres une maîtrise technique hors du commun, qui se rapproche des grands maîtres, Caravage, Poussin, David. Sa connaissance de l’histoire de l’art, alliée à sa perception aigue de notre société contemporaine, peut être mise en parallèle de celle ces grands maîtres.

Les toiles hyperréalistes mettant en scène des conflits entre jeunes gens, font écho aux  tableaux d’Horace Vernet et instaurent un lien historique entre affrontements contemporains et conquêtes coloniales.

Des œuvres plus récentes de ce jeune artiste, dépassant l’effet de sidération qu’elles suscitent, démontrent la pluralité de son talent.

A aller voir de toute urgence.